SERGE REZVANI
Le Blog
BIOGRAPHIE
Serge Rezvani, né le 23 mars 1928 à Téhéran, est un peintre, un écrivain (romans, pièces de théâtre), ainsi qu'un auteur-compositeur-interprète de chansons (il se qualifie de pluri-indisciplinaire3).
Il a écrit plus de 40 romans, 15 pièces de théâtre et deux recueils de poésie. Il est l'auteur de plus de 150 chansons, dont la célèbre Le Tourbillon (de la vie), interprétée par Jeanne Moreau dans le film Jules et Jim, ainsi que de J'ai la mémoire qui flanche, également interprétée par Jeanne Moreau (il signa ces chansons sous le pseudonyme de Cyrus Bassiak, ce qui signifie « va-nu-pied » en russe).
Jeunesse
Né en 1928 à Téhéran (en Perse - actuellement Iran), d'un père persan (Medjid-Kahn Rezvani) et d'une mère juive émigrée russe4, Serge Rezvani5 arrive en France à l'âge d'un an avec sa mère. Jusqu'à l'âge de sept ans, il ne parle que le russe, quand sa mère - atteinte du cancer à une époque où l'on coupait les membres des malades - doit le laisser dans un pensionnat pour immigrés russes, pour qu'elle puisse être soignée. Serge Rezvani apprend alors le français. Son départ le laisse seul. Il dit : « Je n'avais rien, ni jouets ni vêtements. Je me suis toujours senti de nulle part, sans attaches matérielles. »6 Sa mère mourra jeune dans le ghetto de Varsovie, en 1938. Alors âgé de 10 ans, son père, qui est un grand magicien tout autant que charlatan diseur de bonne aventure7, récupère alors son fils - quasiment de force8 - en Suisse où il était caché9, et Serge mène une enfance tourmentée qui le conduit dans diverses pensions d'émigrés russes en région parisienne tenues par des Russes blancs, avec pour seul havre intermittent le foyer de son père, homme à femmes délaissant sans scrupule son enfant10, jusque pendant la Seconde Guerre mondiale. Ayant tôt pris l'habitude de s'évader par le dessin, à quinze ans il s'enfuit d'une de ces pensions11 et découvre alors la liberté et la précarité dans Paris occupé (à Montparnasse) pour devenir peintre.
Au sortir de la guerre, il est pêcheur sous-marin au Cap Lardier à Saint-Tropez. « J’ai vécu de ça. Je plongeais très profond et ramenais beaucoup de poissons. La presqu’île était encore minée, car les Allemands venaient juste de partir. J’étais très pauvre. Je me suis installé au Cap Lardier, un endroit magnifique et très sauvage. »12 C'est ainsi qu'il découvre cette région du massif des Maures, où il s'installera quelques années plus tard.
Mais rapidement Serge Rezvani monte à Paris exercer ses talents de peintre, faisant alors partie des jeunes peintres abstraits de l'après-guerre. Il sera peintre pendant plus de vingt ans, jusqu'en 1967 environ, date où, la peinture ayant perdu toute signification pour lui, il se tournera vers l'écriture.
La rencontre de Lula
En 1950, il rencontre Danièle, la femme de sa vie, qu'il appelle Lula. Il a 22 ans, elle 1913. Le père de Danièle est le chef de cabinet du Premier ministre de l'époque, et leur famille est issue de la descendance de George Sand6. Serge Rezvani raconte : « Il ne voulait pas qu'elle soit avec un étranger, un Juif iranien, un bâtard. Elle laissa tout tomber pour venir vivre avec moi. Pendant 50 ans, on ne s'est jamais quitté, pas une nuit, pas un jour, pas un repas. La seule exception fut quand je fus en chambre de réveil, après une opération à cœur ouvert. »
« Ce n'était pas une décision volontaire de notre part, nous avions simplement un tel plaisir à être ensemble. Si quelqu'un nous avait dit au début vous serez ensemble pendant 50 ans, on se serait tout de suite séparés ! Quelle condamnation ! Mais bien sûr, ce ne fut pas assez. »
Il dit : « Quand elle arriva dans ma vie, ce fut immédiat et pour toujours. » Lula prendra sa place au centre de son travail artistique, et sera le sujet de plusieurs de ses romans. Avant de faire sa connaissance, il avait été marié très peu de temps avec Evelyne Lanzmann, comédienne française, sœur de Claude et Jacques Lanzmann.
Une vie à La Béate
En 1960, Danièle et lui se marient et quittent Paris pour le midi de la France, à la Garde-Freinet. Le couple vit alors dans une modeste maison du XIXe siècle sans eau ni électricité, enfouie dans la végétation du massif des Maures, juste à la sortie de La Garde-Freinet, et portant le nom La Béate. « C'était un peu plus grand qu'une cabane, un peu plus petit qu'une villa. » Ils l'adorent, la louent. Le propriétaire, gentil, la vend au jeune couple pour un prix modique payable quand ils peuvent. Et c'est ainsi que leur vie merveilleuse s'enracine.
Là, Rezvani commence à écrire, peint quand ils ont besoin d'argent, compose des chansons pour distraire Lula (elle, peint et écrit également). Cette maison devient le centre de leur monde. Le couple est étonnant, tous deux vêtus de blanc. « En 1960, le village de la Garde-Freinet, sans agents immobiliers ni vacanciers, était très pauvre. Je pense que nous avons eu la première voiture. Il y avait des chevaux à l'abreuvoir, et même des bœufs. Les villageois sont restés comme ils étaient, des gens réservés des montagnes, pas démonstratifs comme sur la côte. Notre amitié est sérieuse et profonde. »
Après l'avoir longtemps désiré, Danièle et Serge trouvent également leur pied-à-terre idéal à Venise, où ils viennent se ressourcer durant la saison morte, six mois par an12. Ils y renouent avec une vie sociale plus large, et Serge y écrit beaucoup. C'est ainsi qu'ils partagent leurs années-lumière entre La Béate et Venise.
Ils vivent durant quarante années à La Béate14. En 2000, Serge Rezvani raconte ces décennies passées à La Béate dans Le roman d'une maison, illustré de photos du couple heureux. « La mort ne pourra jamais nous détruire, ça ne pourra jamais effacer une telle perfection sereine », écrit-il. La Béate sera détruite dans un incendie de forêt dans les années 2000.
La maladie de Lula
Dans les années 1990-2000, Rezvani accompagne au quotidien sa femme Lula, atteinte de la maladie d'Alzheimer15. En 1999, il se remet à la peinture, également à la photographie et aux collages, et présente l'exposition Femme donna16 à Venise. Il reprend l'écriture de chansons auprès de Mona Heftre, après tant d'années passées loin de ses chansons. Ces activités l'aident à supporter l'impuissance devant laquelle il se trouve face à cette terrible maladie qui éloigne l'être aimé inéluctablement chaque jour.
En 2002 le diagnostic tant redouté (car la mère de Lula avait elle aussi succombé à cette maladie) tombe. Il vit cloîtré auprès d’elle, transformant la Béate - devenue la "maison de la Belle au bois dormant" - en hôpital et faisant construire une maison de gardien17 à côté de celle-ci pour héberger les aides-soignants qui aident Lula durant les mois ultimes. Les dernières années, il passe la semaine à Paris afin de gagner suffisamment pour rémunérer le personnel. En 2003, il publie un livre en hommage à sa femme, L'Éclipse, dans lequel il parle de la maladie dont elle est atteinte.
Après le décès de Lula en décembre 2004, au bout de dix années très difficiles, il songe à mettre fin à sa vie. « Ce que nous avons vécu ensemble était si fort que si elle était morte subitement je me serais suicidé. Mais pendant plus de dix ans, elle a eu l’extraordinaire élégance de me permettre de m'habituer à son absence. » « J'ai cru ma vie finie, je n'attendais même pas la mort car se figurer sa propre mort, c'est se situer encore dans la vie. »
« Je suis amputé. Je ne refais pas ma vie, je la construis autrement... »
Mi-2005, il rencontre l'actrice Marie-José Nat, qui était alors également veuve de Michel Drach. Les deux couples se connaissaient et s'étaient brièvement rencontrés dans les années 1960. Serge et Marie-José se marient le 30 septembre 2005, en ayant conscience - comme ils le disent eux-mêmes - qu'il ne leur reste plus que quelques années à vivre. Ainsi que le rappelle Serge : « Je suis amputé. Je ne refais pas ma vie, je la continue autrement... » Serge Rezvani a vêcu auprès de Marie-José Nat à Bonifacio. Le 10 octobre 2019, sa dernière épouse meurt des suites d'un cancer, à l'âge de 79 ans.